Avec une inquiétude compréhensible, les Ukrainiens observent les changements du paysage politique européen. Ces dernières années, en Europe, différentes formations de droite et de gauche — généralement qualifiées d'eurosceptiques et populistes — gagnent en influence et se montrent souvent assez critiques à l'égard du soutien à l'Ukraine.
Mais tous ces mouvements politiques sont‑ils anti‑ukrainiens par définition ? N'y a‑t‑il pas dans leurs positions un terrain politique sur lequel l'Ukraine pourrait s'appuyer pour mobiliser un tel soutien et favoriser l'adoption de décisions vitales pour elle ? L'Ukraine n'a‑t‑elle pas besoin d'un pragmatisme de politique étrangère sain ?
Ce que dit Robert Winnicki
Examinons un texte publié par Robert Artur Winnicki, ancien président du parti « ultranationaliste » Ruch Narodowy (« Mouvement national »), député au Sejm polonais, connu pour ses frasques anti‑ukrainiennes.
"Je suis très heureux que dans certains milieux pro‑russes ait mûri l'idée selon laquelle 'l'Ukraine doit devenir un État tampon entre la Russie et l'OTAN'. Cette élégante formule signifie en réalité un pays qui joue le rôle de 'tampon' entre des blocs militaires. L'Ukraine est un tel 'tampon' depuis de nombreuses années."
– écrit Winnicki.
"Je souligne simplement que pour cela, la Russie devrait perdre la guerre en Ukraine, c'est‑à‑dire qu'elle ne devrait pas atteindre son objectif – soumettre et/ou détruire cet État. Toutefois, si les Russes atteignent leurs buts et que l'Ukraine tombe sous leur contrôle, elle cessera évidemment d'être un État tampon, et la 'zone de déformation' se déplacera vers l'ouest."
– indique‑t‑il.
"La Pologne deviendra un État tampon, et la tension militaire des rives du Dnipro se déplacera vers la Vistule avec toutes les conséquences que cela implique. Le succès potentiel de la Russie affectera d'abord l'est du pays – les voïvodies de Podkarpackie, Lublin et Podlaskie. C'est de cette zone potentiellement proche du front que fuiront les investissements, les capitaux et les personnes. En particulier les jeunes, qui ne voudront pas construire leur avenir dans une région menacée. Ceux qui ne veulent pas que la Pologne devienne une sorte de 'pare‑chocs' doivent commencer à prendre au sérieux les conséquences de cette façon de penser."
– souligne Winnicki.
Ce que cela signifie pour l'Ukraine
Les représentants lucides de la droite polonaise, que l'on a déjà tendance à qualifier de 'sceptiques à l'égard de l'Ukraine', comprennent bien que la défaite de l'Ukraine dans la guerre déclenchée par la Russie aurait des conséquences très lourdes pour la Pologne. Les déclarations du président hongrois Orbán, ouvertement pro‑russe, selon lesquelles l'aide à l'Ukraine doit être immédiatement interrompue et que l'Ukraine elle‑même doit être transformée en une sorte d'«État tampon», sonnent en réalité comme une menace très sérieuse pour la Pologne. Car dans un tel cas la Pologne devrait elle‑même devenir ce 'tampon' — avec toutes les lourdes conséquences politiques, militaires, économiques, démographiques et autres.
C'est pourquoi il existe bien un terrain pour travailler avec la droite polonaise. Malgré les déclarations anti‑ukrainiennes, malgré les tentatives de 'galvaniser' leur électorat par des récits provocateurs et populistes. Parce qu'il existe des réalités géopolitiques objectives qu'il est difficile et dangereux d'ignorer. Après tout, l'ennemi en Pologne comme en Ukraine est le même.